Un esprit saint dans un corps sain : grande philosophie de Sainte Hildegarde de Bingen, une harmonie du corps et de l’âme

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Un Homme cosmique lié à l’univers

Pour comprendre ce que nous dit sainte Hildegarde de Bingen sur les maladies et les façons de les traiter, il est essentiel de comprendre dans un premier temps sa vision de l’Homme.

Pour sainte Hildegarde, l’Homme est un Homme cosmique, intrinsèquement lié aux éléments et à son environnement. Dans deux visions différentes, elle voit un homme au centre du monde, entouré par diverses couches successives d’air, d’eau et de feu, et qui reçoit les vents. Elle présente donc un homme au centre de la création, mais également lié au monde. Ce lien s’exprime également dans la reprise des théories antiques sur les « humeurs ».

 

La thèse hippocratique des humeurs estime que le corps est constitué des quatre éléments que sont le feu, l’eau, l’air et la terre, ce qui se décline en quatre qualités, à savoir chaud, froid, sec ou humide. L’équilibre et l’harmonie de ces humeurs donnent une bonne santé, mais tout déséquilibre entraine la maladie.

Sainte Hildegarde utilise constamment ces termes lorsqu’elle parle des maladies ou des tempéraments. Cela lui permet d’ancrer encore plus l’Homme dans la création car, dit-elle, « Dans la forme de l’Homme, c’est la totalité de son œuvre que Dieu a consignée ».

Ainsi, l’Homme est à la fois tributaire de la nature et des éléments car ils sont constitutifs de lui, et responsable de son environnement et des dérèglements qu’il y provoque. Pour elle, les problèmes et catastrophes climatiques qu’elle observe sont liés au fait que l’Homme a perdu le lien qui l’unissait à la nature après avoir été chassé du jardin d’Eden, il ne sait donc plus vivre en harmonie avec la création.

Pour la sainte, cet Homme cosmique est composé de trois parties indissociables, profondément liées et qu’il faut toujours considérer les unes par rapport aux autres. Il s’agit du corps, lié au cosmos, de l’esprit lié aux pensées et aux émotions, et de l’âme liée au divin, à la prière et à la contemplation.

 

Guérir le patient et non une maladie

C’est en considérant toutes ces dimensions que sainte Hildegarde propose des remèdes. Il faut toujours considérer chaque cas individuellement et s’interroger sur la cause profonde du mal afin de le guérir à la racine, plutôt que de guérir les symptômes. La santé étant pour elle l’harmonie du corps, de l’esprit et de l’âme, il semble essentiel de garder ces trois dimensions en bonne santé, et non seulement le corps. De plus, chaque aspect est interdépendant, et si le corps souffre, il perturbe l’âme et l’esprit, et si l’esprit, c’est-à-dire la psyché, est malade, le corps et l’âme en ressentent les effets.

Le corps étant également un reflet de l’âme et de l’esprit, il faut en prendre soin également du point de vue de la beauté. Sainte Hildegarde donne donc les façons de guérir des maladies de peau, ou simplement des conseils pour empêcher les ongles de casser (avec du liseron), ou pour rendre « le teint frais et agréable » (avec de l’iris), elle s’attache plus à la façon de guérir le patient qu’à celle de guérir une simple maladie.

Cette importance qu’elle attache au corps et au soin qu’il faut en prendre s’oppose aux hérésies qui apparaissent durant sa vie et qui prônent une ascèse totale et un mépris du corps créé par le Diable au contraire de l’esprit créé par Dieu.

« Lorsque l’âme et le corps fonctionnent en excellente harmonie, ils reçoivent en suprême récompense, la santé et la joie »

 

Les maladies sont des nécessités de la vie qui font appel à notre humanité

Sainte Hildegarde ne prétend cependant pas faire disparaître toutes les maladies. Comme elle considère l’Homme dans son lien avec la nature, et estime que ce lien a été détruit, au moins en partie, par le péché de l’Homme, les maladies sont une conséquence de la rupture de ce lien.

Si les hommes ne vivent plus en harmonie avec la nature, les déséquilibres sont d’autant plus prompts à arriver et à venir pénaliser le corps. Mais la maladie est pour l’abbesse l’occasion pour les autres d’exercer leur miséricorde.

Les malades doivent en effet être traités avec douceur et bienveillance, il s’agit de prendre soin de leurs esprits, de leur montrer avec délicatesse que l’on compatit avec eux. Cette démarche participe toujours de la nécessité de traiter à la fois le corps et l’esprit, mais elle a aussi la vertu de pousser les bien portants à plus d’humanité et de compassion pour autrui.

Les remèdes proposés sont donc à la fois des remèdes pour le corps, et des remèdes pour l’âme et l’esprit, c’est-à-dire des règles de vie et de conduite qu’il faut observer pour ne pas retomber dans la maladie.

 

La modération et l’équilibre comme clefs de la santé

Pour sainte Hildegarde, l’équilibre entre les humeurs est garant de tout, elle préconise donc la modération, une pratique très actuelle aujourd’hui.

On étudie de plus en plus aujourd’hui les liens entre l’état psychologique et les maladies physiques, ce qui fait écho à l’unicité de l’homme proclamé par l’abbesse, et les médecins actuels prescrivent constamment des modes de vie « sains et équilibrés ». Ces modes de vies doivent agir comme « remède préventif » pour nous empêcher de tomber malade. Cette prévention, et donc respect de l’équilibre était central pour sainte Hildegarde, comme pour un grand nombre de médecines traditionnelles qui considèrent que la santé est un processus à maintenir, et non une donnée de base.

Il s’agit de ne verser dans aucun excès, qu’il soit de nourriture ou de jeûne, d’exercice physique ou de repos. Il faut respecter le corps et son rythme, et par exemple ne pas troubler trop violemment la variation des périodes de sommeil et d’activité.

Un grand nombre de plantes mentionnées dans le PHYSICA  par sainte Hildegarde sont déconseillées à des malades mais peuvent être consommées par des personnes bien portantes. On retrouve là cette notion d’équilibre, plus difficile à retrouver lorsqu’on est dans une situation de faiblesse, mais qui peut se maintenir sans soin particulier tant qu’aucun excès n’arrive.

 

L’Homme de sainte Hildegarde est donc un homme total pleinement intégré dans son environnement, et comme lui, souffre dès qu’il y a un déséquilibre. La santé se retrouve lorsque l’âme, l’esprit et le corps sont tous trois guéris. La santé et la joie allant toujours de pair pour sainte Hildegarde, vous saurez que vous êtes en bonne santé si vous êtes joyeux !

Bibliographie

Hildegarde de Bingen, Heinrich Schipperges, éditions Brepols, 1996

Hildegarde de Bingen : une vie, une œuvre, un art de guérir en âme et en corps, Ellen Breindl, édition Dangles, 1994

https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_humeurs

 

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