Longtemps demeurée dans l’oubli, sainte Hildegarde de Bingen, abbesse allemande du douzième siècle bénéficie depuis quelques années d’un incroyable regain de popularité, et ce n’est pas tant pour ses écrits spirituels que pour ses conseils médicaux qu’on se réfère aujourd’hui à cette religieuse.
Il faut également rappeler que pour elle, l’Homme est responsable de la nature et des dérèglements qui y apparaissent. Ses recommandations médicales nous rappellent à quel point l’Homme est lié à la nature et en a besoin pour vivre sainement.
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Sainte Hildegarde n’était ni médecin ni botaniste
L’éducation que reçût Hildegarde dans sa jeunesse fut toute simple : elle apprit à lire et écrire juste assez pour pouvoir lire la Bible, et elle apprit la musique. En tant que religieuse dans un monastère de bénédictines, elle avait certainement accès à une bibliothèque plus vaste et donc à divers ouvrages de philosophie, d’où sa reprise de la théorie des humeurs d’Hippocrate. Comme dans la majorité des couvents de l’époque, il y avait certainement une pièce où l’on séchait et préparait des plantes médicinales, et durant toute sa vie elle a probablement été au contact de préparateurs et préparatrices de remèdes selon d’antiques recettes.
Cependant, ces diverses connaissances ne semblent pas suffisantes pour expliquer la quantité et la variété d’informations données sur la nature par sainte Hildegarde. De plus, certaines épices dont elle parle comme le galanga, était récentes en Europe et n’avaient pas été évoquées par les Anciens comme Pline dont on dit qu’elle se serait peut-être inspirée, on note également qu’aucune source avant elle ne mentionne l’utilisation du galanga contre des douleurs cardiaques. En ce qui concerne les plantes, elle parle de ce qu’elle connaît de vue ou de nom dans l’Allemagne de l’époque, et n’invente donc aucune plante, ou ne parle pas de la pomme de terre encore inconnue en Europe.
En tout, sainte Hildegarde parle de 230 végétaux, mais aussi de 23 pierres précieuses et de nombreuses espèces animales. Les chapitres portant sur les pierres précieuses et les animaux sont plus contestés car on sait que certains ont été rajoutés par quelqu’un d’autre un peu plus tard, et l’absence des manuscrits d’origine ne permet pas de décider avec certitude quels sont les chapitres qui viennent réellement de la sainte.
Même si elle n’était pas elle-même médecin, ses écrits sont les seuls ouvrages médicaux connus du XIIème siècle, et la seule trace écrite qui documente la manière de soigner de l’époque, que ce soit par la façon dont on faisait des onguents ou celle de doser les ingrédients.
Une connaissance venue de révélations
Beaucoup décrivent sainte Hildegarde comme la première naturopathe, mais c’est d’après-nous une fausse interprétation. Les naturopathes sont ceux qui ont étudiés la nature, les plantes, les pierres et qui ont testé certains remèdes.
Sainte Hildegarde n’a pas étudié la nature pour en retirer ses connaissances, elle déclare que tout lui vient « de la vraie lumière ». C’est vers quarante ans, au moment où elle devient abbesse, qu’elle a des visions très marquantes. Après avoir demandé conseil à son confesseur et autres figures éminentes, elle consigne par écrit ce qu’elle voit dans ses visions. Son ouvrage Le livre des subtilités des créatures divines n’est pas le premier qu’elle écrit, mais il est difficile de le dater. Il contient neuf livres qui abordent les plantes, les éléments, les arbres, les pierres, les métaux, et diverses catégories animales comme les poissons, les oiseaux ou les reptiles.
Les plantes et remèdes qu’elle évoque ne sont pas tous courants
L’originalité de l’œuvre laissée par sainte Hildegarde, est qu’elle évoque des plantes peu connues, nous avons cité le galanga, mais il y en a aussi qui sont parfois utilisées dans d’autres pays d’un point de vue médicinal ou simplement consommées comme aromates sans qu’on leur connaisse de vertus particulières.
Il y a également des plantes connues à son époque et pour lesquelles elle ne cite pas les vertus les plus communes et les plus attendues, dans le cas du clou de girofle par exemple : il est traditionnellement réputé contre les douleurs musculaires, mais elle n’en parle pas du tout et évoque un effet inattendu contre le hoquet. A l’inverse, il y a également des plantes communément admises comme bénéfiques, tel le poireau souvent qualifié de « balais de l’intestin », qu’elle déconseille et en particulier pour les personnes malades car « il ne fait pas diminuer la décomposition et il ne purifie pas les humeurs ».
C’est en partie pour cela que certaines des plantes dont elle parle ne sont pas admises aujourd’hui à la vente à des fins de consommation, on peut citer la rue officinale qui apparait cependant dans la composition de certains médicaments.
Sainte Hildegarde a également prescrit des remèdes incongrus à l’époque, mais qui sont reconnus et expliqués par la science moderne, comme le fait de regarder longuement un pré vert lorsqu’on a les yeux fatigués.
Une attention particulière à la vitalité des plantes
En parlant des plantes, sainte Hildegarde créée un néologisme : « viridité » (Viriditas), qui allie les notions de verdeur et de virilité pour parler de la force vive des plantes. Pour elle, les plantes n’ont pas la même force ou les mêmes effets tout au long de l’année.
Elle précise fréquemment que si ce n’est pas la bonne saison pour trouver la plante, on peut prendre un extrait séché, mais qu’il n’aura pas la même puissance. Par exemple, dans le cas du marrube elle change la composition du remède en fonction de la saison : prendre du suc de la plante en été, ou de la poudre en hiver.
Ses conseils sur le respect du cycle de la plante sont particulièrement utiles dans le cas de l’absinthe qui doit s’utiliser au printemps : principalement parce qu’une absinthe tardive aura mis des fleurs et contiendra alors de la thuyone, hautement toxique.
Des conseils qui touchent également le règne animal
Comme nous l’avons dit, toute une partie du Livre des subtilités des créatures divines porte sur les animaux et leur utilité en ce qui concerne la médecine. Pour la plupart, elle signale simplement que la chair est bonne ou au contraire mauvaise à manger, mais sainte Hildegarde parle parfois d’autres composants des animaux, par exemple elle explique que les plumes de poule sont mauvaises pour faire des oreillers.
Un animal en particulier doit retenir l’attention, il s’agit du blaireau. Cet animal peut sembler étrange et il est méconnu en médecine traditionnelle, cependant, selon Hildegarde, la fourrure de cet animal a une grande puissance, il permet de repousser les maladies et de garder pieds et jambes en bonne santé si on s’en fait des chaussons et jambières.
Ce genre d’exemples illustrent à quel point les révélations de sainte Hildegarde sont rares et précieuses, elles mettent en avant des aspect et vertus insoupçonnés de la nature et peuvent nous permettre de créer un lien plus fort et respectueux avec notre environnement.