Pour sainte Hildegarde, la musique est une notion essentielle. Dimension moins connue de sa vie, la musique était pourtant l’une des choses les plus importantes de son quotidien. Elle est également la première compositrice connue, les œuvres musicales précédentes n’étant pas signée ou attribuables à un individu en particulier.
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La musique comme principe de vie et de louange
Sainte Hildegarde apprend la musique étant jeune, mais elle chante également les psaumes lors des huit offices de la journée. Son approche de la musique ne s’arrête pas là, car dans plusieurs visions décrites dans le Scivias il semble qu’elle entendait également toute une symphonie céleste. Elle suit l’esprit du Moyen-Âge sur la théorie de la « musique des sphères » qui veut que chaque élément possède un son originel issu de sa création divine. En cherchant à recréer la musique, et l’harmonie des sphères, elle loue tous les éléments du monde et leur créateur.
Pour sainte Hildegarde, avant la chute, la voix d’Adam s’unissait pleinement à celle des anges, puis, en étant chassé du paradis il a perdu ce talent. La grâce de Dieu permet cependant à certains de retrouver cette voix des anges par la louange. La musique se pratique par le chant et par les instruments, dont la création même provient du désir de rejoindre le chœur céleste. Dans sa lettre aux prélats de Mayence, elle précise : « Le corps est le vêtement de l’âme et la voix de l’âme est vie »
La musique n’existe que dans sa dimension sacrée pour sainte Hildegarde, et la louange permet donc de se rapprocher du paradis et de Dieu.
Une production variée
Sainte Hildegarde compose vraisemblablement la musique et les paroles en même temps et les considère indissociables.
On a retrouvé deux manuscrits sur ses compositions musicales, un de 57 pièces et l’autre de 75. Ces pièces sont soit des manuscrits simples, sans musique, soit des neumes, c’est-à-dire une transcription musicale du morceau. L’absence de neume pour certains morceaux peut s’expliquer par leur perte au cours des siècles, ou par le fait que les religieuses n’en n’avaient pas besoin car elles connaissaient déjà l’air du morceau, la musique étant généralement mémorisée avant d’être chantée.
Les thèmes des compositions sont variés, elles portent sur des saints et ressemblent à des hagiographies, comme pour saint Maximim ou saint Disibode, sur les anges, sur la vierge Marie, et on trouve même une sorte de drame musical Ordo Virtutum qui par ses thèmes peut faire penser à la cérémonie de prise de voile des religieuses. Cette pièce narre la façon dont le diable essaie de détourner les âmes vertueuses de Dieu, en leur présentant une série de tentations.
Une de ses compositions est également écrite dans la lingua ignota (langue inconnue) qu’elle a inventée. La création de cette langue semble profondément liée à la musique car elle voulait par-là se rapprocher du divin.
Un style non académique fait pour une application concrète
Les experts de musique du Moyen-Age constatent que ses compositions donnent une impression archaïque par rapport à la production contemporaine, mais il s’agit peut-être d’une tentative d’innovation. De plus, sainte Hildegarde utilise une forme très libre et il est parfois difficile de d’identifier les différentes parties des œuvres (antiennes, hymne, séquences…).
Dans tous les cas, la musique qu’elle composait était faite pour être chantée, et on suppose qu’elle ajoutait au déroulé traditionnel des offices, une partie de sa composition, et que ses religieuses chantaient donc régulièrement les pièces qu’elle a écrites tout au long de sa vie.
Il en va de même pour l’Ordo virtutum qui a probablement été chanté lors d’une représentation du style théâtral, soit lors de l’inauguration du monastère de saint Rupert, soit avant la cérémonie de prise de voile d’une religieuse.
Un extrait de la symphonie des harmonies célestes
On peut trouver la totalité des textes musicaux de sainte Hildegarde dans le livre La symphonie des harmonies célestes
Le court texte de la composition 61 « In Evangelium », donne une idée du style poétique employé par sainte Hildegarde :
Ô pourpre du sang
Qui a coulé de cette éminence
Que la divinité a touchée,
Tu es la fleur
Que l’hiver né du souffle du serpent
N’a jamais blessée.