Découvrir une vision de sainte Hildegarde : Sur l’humanité et la vie

Les figures féminines sont fréquentes dans les visions de sainte Hildegarde, et ont souvent un lien avec la maternité. Ainsi la Synagogue est mère de l’Incarnation, et l’Eglise la mère des croyants.

La quatrième vision du premier livre du SCIVIAS nous montre une femme, mère de l’humanité.

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Déroulement de la vision

Cette vision est particulièrement longue et fournie. Elle retrace toutes les péripéties de l’homme depuis sa création à sa mort, dans un style qui peut faire penser à un récit épique d’aventures.

Au début, sainte Hildegarde décrit une femme qui a dans son ventre « une forme d’homme » qui est vivifiée par le Créateur et est habitée « par une sphère de feu » qui représente l’âme. Une fois la forme sortie du ventre de la femme, elle reproduit les mouvements de la sphère.

Suit ensuite une complainte à la première personne où la visionnaire qui assume la forme de sphère de l’âme déclare être une étrangère chassée loin de chez elle et traitée avec mépris et emprisonnée. Elle crie vers le ciel à cause de ses tourments et regrette amèrement Sion sa mère.

Elle cherche à s’échapper et se cache dans une grotte où elle continue d’appeler sa mère. Reprenant la fuite, elle gravit péniblement une montagne, confrontée à de nombreux obstacles, elle est près d’abandonner mais sent une grande douceur qui la visite et lui rend courage. Elle prend alors des ailes et vole jusqu’à une demeure faite d’acier.

Dans cette demeure, elle déclare qu’elle fait des « œuvres de lumière » alors qu’avant elle avait fait des « œuvres de ténèbres » auparavant. Là, elle construit une tour, mange, prépare des onguents… Puis les ennemis qui l’avaient premièrement torturée arrivent et attaquent cette demeure avec des flèches et des tourbillons d’eau, mais rien ne renverse la demeure ou ne heurte son habitante.

Elle prend alors conscience de sa propre faiblesse et déclare que le penchant naturel du corps est l’orgueil et qu’il n’y a que le fait de se souvenir qu’elle a été créée par Dieu qui lui permet de se sauver des attaques et tentations du démon. C’est le péché qui la fait vivre dans l’inquiétude, la conduit à douter et la fait se sentir étrangère.

Afin de résister au péché, elle décide de regarder à chaque fois la bonté de Dieu, et cela lui permet de mener les combats. Elle sent alors que grâce au « bouclier de l’humilité » elle peut rejeter les autres vices.

Finalement, elle voit une autre sphère, qui était auparavant assaillie par les tourbillons, se libérer de ses chaînes et déclarer qu’elle va au tribunal pour être jugée selon ses actes. Cette sphère est accompagnée dans ce dernier voyage par quelques « esprits de lumière et d’ombre » qui étaient déjà avec elle du temps de sa vie.

Elle entend alors une voix du ciel disant que Jésus s’est incarné pour que tous les hommes pécheurs se libèrent, fassent de bonnes œuvres et puissent goûter aux joies du ciel.

 

Une vision didactique pour enseigner

La structure et le déroulement de cette vision font fortement penser à un conte.

On assiste en effet à la naissance de que qu’on pourrait appeler un héros, puis il est prisonnier et mal traité, mais décide de s’enfuir, il reçoit une assistance divine lors de sa fuite et trouve enfin un lieu où il peut vivre heureux. Ce lieu lui permet de résister aux attaques physiques, mais il doit aussi livrer un combat intérieur contre le doute, après ce combat introspectif, il sort plus fort et assiste à la mort d’un autre héros comme lui. Le récit se clôt par les paroles directes de Dieu, comme une petite morale.

On se souvient que sainte Hildegarde rédigeait ses visions pour obéir à l’ordre de Dieu, qui voulait qu’elle écrive, mais aussi qu’elle proclame au monde. Son but est donc d’enseigner et de rendre disponible le message de Dieu. La forme d’un récit mouvementé et plein de rebondissements peut être une façon de captiver le lecteur et de le conduire à lire le commentaire qui suit, mais aussi de montrer que malgré les nombreuses épreuves, on peut atteindre la sainteté, et qu’avec la grâce de Dieu on peut vaincre le mal.

Le péché principal qu’on voit ici est l’orgueil, et la vertu opposée est l’humilité. Dès le début de son œuvre, sainte Hildegarde met donc en avant ce qu’elle considère comme le vice le plus grand, et donne des clefs pour le combattre.

 

Le commentaire de la vision insiste sur la nature humaine

Le commentaire de la vision est également très long et très riche.

Sainte Hildegarde montre premièrement que Dieu a créé l’homme bon et simple et que le mal vient du démon. Cependant, un repentir sincère conduit Dieu à accueillir l’homme pécheur avec bonté.

Elle explique ensuite que les hommes naissent avec différents types de caractères. Elle revient également sur la formation de l’homme dans le sein de sa mère, où il reçoit une âme, et c’est cette âme qui lui donne vie, permet à son cœur de battre et à ses membres de bouger. Une fois que l’homme est né, ce sont les œuvres qu’il accomplit qui comptent, ses actions concrètes, pas seulement ses dispositions d’esprit. La visionnaire en profite pour donner des explications sur l’âme.

Contrairement au corps, elle n’est pas transitoire, mais éternelle, elle est cependant le fondement du corps et « l’irrigue » comme la sève pour les arbres. L’âme a deux forces principales, l’intelligence et la volonté. L’intelligence correspond à ce qu’on appelle aujourd’hui conscience, car elle permet de distinguer le bien et le mal. C’est ensuite la volonté qui permet d’accomplir les actions.

L’homme a en lui trois dimensions intrinsèquement liées : le corps, les sens et l’âme. Le corps est la demeure et « le soutien des facultés » de l’âme, l’âme est liée aux sens car ce eux qui conduisent à l’œuvre. Et si l’enfant qui naît a d’abord les sens et ne maîtrise que plus tard les facultés de l’âme, l’âme dirige le corps, et ce qui est un poison pour elle est un poison pour le corps.

Quand vient le moment de la mort, c’est avec douleur que l’âme quitte le corps pour se rendre au jugement.

 

Une vision prélude de l’œuvre médicale

Dans son œuvre, sainte Hildegarde de Bingen ne cesse de rappeler que l’homme est constitué de plusieurs dimensions intrinsèquement liées et interdépendantes.

Dans son livre Physica où elle décrit les plantes et éléments naturels, et donne de nombreux remèdes, elle exprime plusieurs fois que la maladie qui touche l’homme peut venir de l’âme et qu’il est important de guérir à la fois l’âme et le corps, en se soignant par l’alimentation, mais aussi par la prière et la méditation.

Cette vision souligne le pouvoir vicieux de l’orgueil, mais aussi les péchés auxquels le corps conduit si on le laisse gouverner et qu’on cède à la concupiscence. Tous ses traités liés à la santé donnent des conseils et méthodes pour atteindre un bon équilibre. C’est l’équilibre entre les trois dimensions de l’homme, corps sens et esprit, qui conduit à la santé, mais aussi à la joie. Cette joie peut être vue comme la sérénité que possède l’habitant de la demeure en acier une fois les doutes surmontés.

 

De nombreux autres aspects concernant l’homme, Dieu, le monde ou les vérités de la religion sont contenus dans les autres visions, du Scivias, mais aussi dans  LE LIVRE DES OEUVRES DIVINES HDB  et dans le livre  LES MERITES DE LA VIE – ED BEATITUDES qui met en scène un combat entre les vices et les vertus.

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