Sainte Hildegarde, une théologienne inspirée et inspirante

On connaît souvent sainte Hildegarde de Bingen grâce à ses ouvrages sur les plantes et la médecine, et beaucoup moins pour sa contribution à la théologie, et à son explication chrétienne du monde. Elle présente pourtant une vision originale et inspirante de l’homme et de sa relation avec Dieu et le monde, à la fois dans le SCIVIAS et dans LES MERITES DE LA VIE .

Tout ce qu’elle relate lui est d’abord venu dans des visions, puis elle en fait un commentaire, en s’appuyant régulièrement sur la pensée d’autres auteurs chrétiens. Le style que sainte Hildegarde emploie dans ses ouvrages et très poétique et rappelle parfois les psaumes, les images qu’elle utilise se rapportent également à des paraboles. Elle apporte un éclairage sur la relation entre Dieu et les hommes, sur l’histoire du salut, sur les sacrements et les signes des derniers temps.

Quelles sont les grandes lignes de la pensée de sainte Hildegarde, en quoi peut elle nous aider à appréhender le monde différemment ?

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Sa conception de la création du monde

Sainte Hildegarde présente Dieu comme « l’architecte du monde » qui a tout créé par amour. Pour elle, l’homme est à la fois achèvement de la création et celui qui doit œuvrer à la parachever via ses propres créations.
Elle prête également à l’homme une double nature, angélique et humaine : « Par son chant de louange, l’homme est angélique, mais par son action sainte, il est un homme. Comme tout, il est l’œuvre complète de Dieu puisque dans la louange et l’action, les miracles de Dieu sont achevés dans cet homme. » (LVM V,96)
La nature de l’homme est également tributaire des différents éléments qui composent.
La terre : sainte Hildegarde explique que la terre porte toute la germination et la viridité qui représentent floraison et beauté chez l’homme.
Le feu purifie, il allume tout ce qui est bien et bon.
L’air fait monter la sainteté vers les hauteurs, il représente le désire de la nourriture de la vie.
L’eau apporte la chaleur, efface les péchés et fait revenir toutes choses vers le spirituel.
Ce monde créé comme un tout interdépendant, et dont toutes les parties sont liées dans l’homme, des éléments au règne invisible des anges, reste uni dans la volonté de Dieu : « Toutes les réalités qui se trouvent dans l’ordonnance de Dieu se répondent mutuellement. Chaque chose est au service d’un plus grand et rien ne dépasse sa mesure. Ainsi je chemine sur les sentiers de la lune et dans les traces du soleil. Je respecte la loi de Dieu et je grandis avec toutes choses dans une relation d’honnêteté respectueuse. » (LVM II, 22)

L’homme par rapport à Dieu

L’homme est créé par Dieu, et lié à la nature, mais il n’est pas délaissé par son créateur, il continue d’entretenir une relation privilégiée avec lui. Les termes employés par sainte Hildegarde évoquent fortement la relation amoureuse et elle fait elle-même la comparaison entre un couple d’amoureux et l’homme avec Dieu : « Et ainsi l’obéissance de la créature n’est autre que le désir du baiser du créateur ». Le fait que l’homme puisse reconnaître Dieu alors qu’il ne peut le voir, est un don de reconnaissance appelé par la sainte « œil de Dieu ».
Dieu, en créant l’homme pour l’amour lui a également donné la possibilité de créer ses propres œuvres, cette liberté, cette autonomie oblige donc l’homme à se positionner face à chaque situation.
Cette question du libre choix, interroge sainte Hildegarde au moins autant qu’elle a interrogé toutes les générations : « Est-ce que Dieu aurait voulu que je sois juste et bonne ? Oui, alors pourquoi ne m’a-t-il pas créée droite ? » (SC I,4)

L’homme corps et esprit jusqu’à la fin du monde

Si la conception du monde selon sainte Hildegarde peut paraître originale de par son lien particulier avec les éléments et les anges, la dimension la plus marquante de ses écrits est certainement celle qui se rapporte à l’homme, particulièrement à son époque marquée par l’hérésie cathare.
Elle précise en effet qu’il faut que l’homme s’aime lui-même « car si tu aimes Dieu, tu aimes aussi ton propre salut. Et comme tu t’aimes toi-même, tu aimeras aussi ton prochain » (SC III,8)
Et elle renforce l’idée de l’unité de l’âme et du corps comme un tout inséparable, ainsi, même les saints au ciel n’arrivent pas à voir Dieu complètement car ils ne sont que des esprits, et il est impossible qu’une partie puisse voir le tout : quand ils auront retrouvé leur corps, ce sera possible « ils verront le salut dans son achèvement ». Le but final de Dieu est donc la corporalité, la résurrection de la chair, et non une pure vie spirituelle sans matière.

Analyse des vices et des vertus

La vision toute particulière de l’homme se poursuit dans le combat entre le bien et le mal présenté par sainte Hildegarde dans Le livre des mérites de la vie où elle met en scène les vices et les vertus qui s’affrontent, rejouant l’histoire de la chute de l’homme et celle du salut.
Ce livre est marquant dans le sens où elle lie certains vices et certaines vertus à des parties du corps et aux cinq sens. Ce qu’elle fait est donc une présentation de la psychologie de l’homme et de ce qui se joue dans son âme, elle donne ainsi des fonctions thérapeutiques aux vertus qui servent de modèle, mais permettent aussi de rétablir la santé.
On peut également noter que pour elle, l’intelligence est ce qui permet à l’homme de « devenir vivant », avec l’intelligence il observe et considère ce qui se présente à lui. Cependant, pour agir l’homme a besoin de la justice qui l’installe dans une organisation et interaction sociale qui lui permet de donner à chacun ce dont il a besoin.
Sainte Hildegarde replace donc l’homme dans son contexte et, si elle s’attarde sur le monde angélique, la description de la Jérusalem céleste, les signes de la fin du monde et la place des juifs par rapport aux chrétiens, son œuvre est particulièrement unique par son attachement à considérer toutes les dimensions de l’homme et leur unicité.

Ci-dessous, le tableau des vices et vertus opposés et le sens auquel ils correspondent. Vous pouvez trouver l’intégralité de l’explication de sainte Hildegarde directement dans son livre LES MERITES DE LA VIE

 

Tête et vue
Amour du monde Amour du ciel
Quête erronée Connaissance de Dieu
Raillerie Retenue
Dureté de cœur Miséricorde
Lâcheté Triomphe divin
Colère Patience
Gaieté stupide Gémissement vers Dieu
Tronc et ouïe
Gloutonnerie     Abstinence et tempérance
Agressivité Vraie bonté
Impiété Piété
Fausseté Vérité
Conflit Paix
Frustration Béatitude
Démesure Discernement
Perdition des âmes Aspiration au salut des âmes
Cuisses et goût
Orgueil Humilité
Envie Amour
Vaine gloire Crainte de Dieu
Désobéissance Obéissance
Incroyance Foi
Désespérance Espérance
Luxure Chasteté
Jambes et odorat
Injustice Justice
Mollesse Courage en Dieu
Oubli de Dieu Sainteté
Inconstance Constance
Matérialisme Désir du ciel
Entêtement Componction du cœur
Convoitise Détachement du monde
Discorde Concorde
Pieds et toucher
Bouffonnerie Respect
Errance Stabilité tranquille
Occultisme Adoration de Dieu
Avidité Pur contentement
Tristesse du monde Joie du ciel

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